Il y a toujours ces drôles de moment dans la vie. Vous savez, ceux qu'on ne choisit pas, ceux qui semblent nous tomber sur le coin du nez. Des moments qui peuvent être à la fois source de bonheur, ou au contraire, source d'ennuis, par lesquels on n'a aucune autre solution que de passer. Dont on a l'impression que le sens nous échappe, comme si ce n'était qu'un simple clin d’œil à la personne qu'on est, qu'on a été, ou encore celle qu'on sera peut-être, un jour.
Ce genre de période arrivait très souvent à Melinda, surtout depuis son indépendance londonienne. La jeune femme, qui ne vivait plus dans sa famille d'accueil avait décidé quelque chose d'étrange pour un caractère tel que le sien : vivre en colocation. Ce qui demande généralement beaucoup de gentillesse et de patiente, ce dont la jeune femme ne faisait plus vraiment preuve depuis quelques temps. Bon, d'accord, elle n'était pas toujours une peste, heureusement pour tout le monde, parce que ce n'était pas vraiment des choses les plus faciles à vivre. Elle le savait, et quand elle voyait que les gens ne souhaitaient pas lui faire de mal, la jeune femme tentait comme elle le pouvait d'être gentille. Mais tout ce temps à envoyer les gens balader ne facilitait en rien les choses.
Enfin, les colocataires semblaient supporter les sautes d'humeur, les vannes à deux balles, et l'air blasé qu'elle avait si souvent. D'un autre côté, si cela avait été le contraire, la jeune femme aurait eu quelques soucis, ne sachant pas vraiment où aller à côté.
Mais de temps à autres, elle avait besoin d'être seule, de se perdre dans la ville de Londres, qu'elle ne connaissait pas vraiment bien, et ce malgré le temps depuis lequel elle y vivait. Près de douze ans. Mais ses sorties s'étaient toujours limitées à l'école, le café en bas de la maison où elle a vécu pendant si longtemps, et cette maison. Depuis qu'elle avait quitté sa famille d'accueil, la jeune femme devait sans cesse sortir avec un plan de la ville dans son sac, ne savait-on jamais, au cas où elle se perdait. Mais c'était toujours un plaisir que de ne se retrouver dans les rues animées, d'entendre les conversations, dont certaines n'étaient pas dans la langue locale, la ville étant assez cosmopolite, et un point touristique plutôt important, ne serait-ce que pour ce qui concernait la zone européenne.
C'était donc emmitouflée dans son manteau, afin de se protéger du vent qui soufflait ce jour-là, un de ces vents qui semblaient couper la circulation sanguine, que Melinda s'engageait entre les stands de Camden, cherchant de nouveaux t-shirts et pantalons peu chers, et surtout, à son goût. La jeune femme flânait, surtout près des stands aux vêtements plus "rock", le style qu'elle avait toujours eu jusqu'à maintenant. Si elle ne les mettrait pas pour sortir, elle pourrait au moins les mettre pour rester à la maison, à ne rien faire. Mais l'avantage à Londres était que d'aimer les Beatles, les Ramones, les Rollings Stones et autres vieux groupes de musique rock n'était pas une tare, au contraire, c'était presque être dans la normalité. Chose plutôt rare vu le monde modalisé dans lequel la vie de la jeune Chamberlain se déroulait.
Un stand derrière attira son attention, un qu'elle n'avait pas encore remarqué. Elle s'approcha, et commença à regarder les vêtements, regardant sur l'espèce de miroir qu'avait mis le marchand s'ils lui iraient bien. Elle se sentait comme dans une bulle, se retrouvant presque dans le passé en voyant ses cheveux bruns tomber sur un t-shirt des Ramones. Comme au bon vieux temps.  

Melinda s'était simplement perdue dans la contemplation de ses hauts qui auparavant l'aurait tant décrite, et lui aurait tant correspondu. Mais elle avait l'impression que ce temps était aboli et qu'il ne reviendrait pas. La jeune femme pensait à ce temps, les yeux dans le vide, et toujours le t-shirt des ramones dans mes mains. Elle soupira légèrement, et eu ce petit mouvement de surprise en entendant une voix qui lui parlait plutôt clairement.  Oh, euh.. je ne suis pas sûre que ça me corresponde vraiment, en fait. avoua la jeune femme en un petit air déçu. Après tout, en disant ça, elle ne mentait pas vraiment. Depuis qu'elle avait changé du tout au tout, elle avait du tirer un trait bien droit sur son ancienne vie, sur qui elle avait été, ses goûts. C'était presque comme si elle avait changé d'identité, sauf qu'elle gardait son nom, et son fond. Sauf que pour l'instant, elle n'était pas vraiment capable de le montrer. Et elle doutait qu'un jour elle ne le soit vraiment. La jeune brune releva la tête vers sa colocataire et lui décrocha un très léger sourire. Un sourire qui, assez involontairement, et sans qu'elle ne s'en rende compte, amenait une immense déception, et une pointe de tristesse. C'était une croix inconsciente à qui elle était en vrai fond d'elle même.
je ne m'attendais pas vraiment à croiser quelqu'un de la coloc' ici, je dois t'avouer..
Non, elle ne s'y attendait pas, et ça lui donnait l'impression de se dévoiler beaucoup trop, juste assez pour qu'on puisse lui en retourner trop en pleine figure, tant qu'elle aurait fini par en souffrir. Mais, même si Brittany était d'aussi mauvais caractère qu'elle, mais à sa propre façon, elle avait cette impression que ce ne serait pas le cas, même si Mélinda ne savait pas vraiment si elle pouvait où non lui faire confiance.